La ZLECAf: Analyse Fouillée (FR)

La ZLECAf: Analyse Fouillée
La Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) constitue l’une des transformations économiques et juridiques les plus significatives de l’histoire moderne. En tant que plus grande zone de libre-échange au monde en nombre de pays participants, elle regroupe 54 nations, 1,4 milliard de personnes et un PIB combiné dépassant 3 400 milliards de dollars. L’accord vise à éliminer les droits de douane sur 97 % des échanges intra-africains, ouvrant ainsi une nouvelle ère d’activité économique transfrontalière.
Investir dans le potentiel de la ZLECAf requiert une planification juridique et stratégique approfondie afin d’assurer la conformité avec son cadre réglementaire en constante évolution, ses mécanismes de facilitation des échanges, ses paiements en monnaies régionales unifiées et ses incitations à l’investissement. Compte tenu des mutations profondes du paysage des investissements, un accompagnement juridique sophistiqué est indispensable. Par exemple, le nouveau Protocole sur l’investissement de la ZLECAf marque une réforme majeure en supprimant 173 traités bilatéraux d’investissement intra-africains (TBI) pour les remplacer par un cadre unique et harmonisé. Parmi les décisions structurantes adoptées, le Protocole met également fin à la clause du standard de traitement juste et équitable (Fair and Equitable Treatment – FET) dans les traités d’investissement. Cette refonte—soutenue par de nombreuses autres réformes et protocoles sectoriels—redéfinit les protections des investisseurs, les mécanismes de règlement des différends et les obligations d’investissement à travers les différentes industries, en insistant sur la nécessité d’un équilibre entre croissance économique, durabilité environnementale et responsabilité sociale. La ZLECAf place le développement durable au cœur de son cadre juridique et économique. Nous analysons ci-dessous les principales opportunités d’investissement dans les infrastructures avant d’examiner l’évolution des mécanismes de règlement des différends sous la ZLECAf.
En septembre 2023, presque tous les États africains avaient signé l’Accord de la ZLECAf, avec 47 pays sur 54 l’ayant ratifié—soit un taux de ratification de 87 %. L’accord vise à éliminer les droits de douane sur 97 % des échanges intra-africains, avec des exigences précises en matière de règles d’origine, ouvrant ainsi une nouvelle dynamique de libre-échange à travers divers secteurs industriels.
Un jalon majeur dans l’intégration commerciale et financière africaine est l’établissement du Système panafricain de paiement et de règlement (PAPSS), une infrastructure financière développée par la Banque africaine d’Import-Export (Afreximbank) pour fluidifier les paiements transfrontaliers et renforcer l’efficacité du commerce intra-africain. Officiellement lancé en 2022, le PAPSS fonctionne comme une plateforme centralisée de paiement et de règlement, permettant des transactions en devises locales, réduisant la dépendance aux intermédiaires étrangers, minimisant les coûts de transaction et accélérant les flux commerciaux en monnaies locales à travers l’Afrique.
L’importance stratégique du PAPSS s’est étendue au-delà de l’Afrique. En octobre 2023, dans une avancée historique, les gouverneurs des onze banques centrales de la région des Caraïbes ont adopté à l’unanimité le PAPSS comme système privilégié pour le règlement des transactions commerciales intra-régionales, marquant ainsi un pas significatif vers une coopération financière accrue entre l’Afrique et les Caraïbes.
Renforçant encore sa portée opérationnelle, la Banque centrale d’Égypte a officiellement rejoint le PAPSS en novembre 2024, supervisant l’intégration des banques commerciales égyptiennes dans le système. Cette initiative témoigne de l’engagement de l’Égypte à améliorer l’interopérabilité financière au sein de la ZLECAf et à renforcer son rôle dans la facilitation du commerce régional et l’intégration monétaire.
La mise en œuvre des réductions tarifaires de la ZLECAf suit un calendrier structuré, supprimant 97 % des droits de douane sur une période de 5 à 13 ans selon le niveau de développement de chaque pays. Les entreprises africaines et étrangères qui souhaitent investir en tant que premiers entrants sur le marché bénéficieront d’un positionnement stratégique et d’avantages commerciaux substantiels à mesure que l’intégration économique du continent progresse.
Les échanges intra-africains ont augmenté de 39 % entre 2020 et 2023, passant de 67 milliards à 94 milliards de dollars, avec l’Égypte, l’Afrique du Sud et le Nigeria en tête de cette expansion. Cependant, bien que le marché présente d’immenses opportunités, des défis critiques subsistent en matière d’infrastructures et de logistique. Les coûts logistiques représentent actuellement entre 30 et 60 % du prix final des produits, tandis que la connectivité ferroviaire intra-africaine reste extrêmement limitée (seulement 0,1 %), entravant l’efficacité commerciale et appelant à des investissements accrus dans les réseaux de transport, l’énergie et les chaînes d’approvisionnement.
La dépendance historique de l’Afrique aux exportations de matières premières—avec plus de 70 % du commerce extérieur entre 2014 et 2016 constitué de pétrole, de minerais et de produits agricoles—pousse aujourd’hui vers une diversification économique accrue. La ZLECAf vise à favoriser le commerce à valeur ajoutée et l’industrialisation, ouvrant ainsi des opportunités substantielles pour les fabricants, exportateurs et investisseurs souhaitant établir des industries compétitives et intégrer des chaînes d’approvisionnement à l’échelle continentale, avec un accès direct aux matières premières.
D’après les projections de la Banque mondiale, la ZLECAf pourrait augmenter le revenu de l’Afrique de 450 milliards de dollars d’ici 2035 et stimuler les exportations intra-africaines de plus de 81 %, soulignant ainsi l’urgence d’une approche proactive en matière d’investissement.
Sur le plan des réformes de l’investissement, le 19 février 2023, les États membres de l’Union africaine ont adopté le Protocole sur l’investissement de la ZLECAf, marquant une évolution majeure dans la gouvernance des investissements en Afrique. Ce Protocole établit un cadre unifié qui remplace les législations nationales, bilatérales et régionales en matière d’investissement, supprimant 173 traités bilatéraux d’investissement intra-africains (TBI) au profit d’un régime juridique unique en Afrique.
Outre la facilitation du commerce et des investissements intra-africains, le Protocole renforce également la position de la ZLECAf en tant que bloc unifié dans les négociations internationales. Les futurs TBI avec des partenaires non africains—comme la Chine, les États-Unis, l’Union européenne, la Corée du Sud et le Brésil—seront désormais négociés à l’échelle continentale, garantissant une cohérence des priorités économiques pour l’ensemble du marché africain. À long terme, les investisseurs étrangers devront naviguer dans un cadre juridique africain standardisé, remplaçant les accords bilatéraux traditionnels et instaurant un environnement d’investissement plus homogène axé sur la durabilité.
Le Protocole reste ouvert à la signature et à la ratification par les États membres de la ZLECAf, et entrera en vigueur 30 jours après le dépôt du 22e instrument de ratification. Toutefois, l’Annexe sur le règlement des différends, qui définira les mécanismes de règlement des différends entre investisseurs et États, est encore en cours de négociation. Son adoption pourrait entraîner l’implémentation d’un mécanisme d’arbitrage international classique ou la création d’une Cour africaine de l’investissement.
Les changements dans la protection des investisseurs incluent également l’abandon de la norme de traitement juste et équitable (FET), remplacée par la notion de traitement administratif et judiciaire (AJT), limitant ainsi les recours excessifs des investisseurs contre les États.
Dans ce contexte de transformation, il est essentiel que les investisseurs et entreprises évaluent soigneusement leur conformité aux réglementations émergentes. Notre équipe juridique, basée au sein de la région MENA, possède une expertise approfondie couvrant les cadres d’investissement nationaux, régionaux, continentaux et internationaux. Nous accompagnons nos clients dans la structuration d’opérations transfrontalières, la sécurisation de protections d’investissement, la négociation contractuelle et le règlement des différends dans cet environnement en mutation.